Lannea microcarpa (PROTA)

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Ressources végétales de l'Afrique tropicale
Introduction
Liste des espèces


Importance générale
Répartition en Afrique
Répartition mondiale
Fruit
Légume
Colorant / tanin
Médicinal
Bois d'œuvre
Bois de feu
Ornemental
Fourrage
Sécurité alimentaire


Fichier:Map Lannea microcarpa.gif
répartition en Afrique (sauvage)
Fichier:Linedrawing Lannea microcarpa.gif
1, feuille ; 2, partie d'un rameau avec jeunes feuilles et fruits. Redessiné et adapté par Iskak Syamsudin
port de l’arbre
feuilles
inflorescences
fruits mûrs

Lannea microcarpa Engl. & K.Krause


Protologue: Bot. Jahrb. Syst. 46 : 324 (1911).
Famille: Anacardiaceae

Noms vernaculaires

  • Vrai raisinier (Fr).
  • African grape (En).

Origine et répartition géographique

Lannea microcarpa est indigène du Sénégal au Cameroun.

Usages

En Afrique de l’Ouest, l’écorce de Lannea microcarpa est utilisée pour teindre les tissus de coton en rouge-brun. Il s’agit d’une des principales plantes employées dans la production des tissus appelés “basilan fini” (médicament appliqué sur étoffe), largement associée à la notion de guérison, puisque la décoction de la plante est à la fois médicinale et teint en couleur sang. Les vêtements réalisés à partir de tissus unis ocre-rouge ou comportant des motifs noirs sur fond ocre-rouge obtenus grâce à cette teinture sont portés essentiellement par les hommes, à l’origine lors de circonstances où le sang était versé comme la chasse et la guerre. La teinture rouge a un pouvoir symbolique de protection, dissimule les taches de sang et guérirait les blessures. Elle est également utilisée par les deux sexes pour les vêtements rituels revêtus lors des étapes cruciales de la vie telles que la circoncision et l’excision, l’accouchement et la mort. Au Mali, les femmes bambaras emploient Lannea microcarpa pour décorer les textiles appelés “surusuru” et “basiya”. Ces textiles appartiennent au groupe des “bogolan”. Les pagnes teints à l’écorce de Lannea sont portés par les femmes lors de l’excision, de l’accouchement, de la ménopause et enfin comme linceul. Chez les Akans et les Ashantis du Ghana, la teinture issue de l’écorce est utilisée traditionnellement pour les vêtements de deuil bien qu’elle puisse être remplacée actuellement par des colorants rouges synthétiques.

Les jeunes feuilles sont consommées comme légume et le bétail les broute comme fourrage. Les fruits sont consommés crus ou séchés et la pulpe sert à préparer une boisson fermentée. Le bois est blanc, léger, facile à travailler mais se détériore rapidement ; il est utilisé au Sénégal pour fabriquer des manches de houes et dans toute l’Afrique de l’Ouest comme combustible et charbon de bois. On fait des cordages avec l’écorce qui est très fibreuse. L’écorce donne une gomme comestible soluble dans l’eau. Au Bénin, on utilise les parties aériennes séchées et pulvérisées en friction sur des scarifications intercostales pour soulager la douleur et on les administre par voie interne contre la colique. En cas d’œdème, on boit une décoction de feuilles que l’on peut aussi ajouter au bain. Au Ghana, les feuilles servent de pansement pour les blessures. Au Sénégal, la cendre du bois est appliquée sur les abcès pour les faire mûrir. Au Nigeria, les feuilles, l’écorce, les racines et les fruits sont utilisés pour soigner les aphtes, les rhumatismes, les maux de gorge, la dysenterie, et servent de cathartiques ainsi que de pansements sur les furoncles.

Propriétés

Les tanins (dérivés de l’acide gallique) sont présents dans l’écorce et réagissent avec la boue ferrugineuse utilisée dans la technique des bogolan pour donner aux tissus “basiya” et “surusuru” leur fond ou leurs motifs noirs si caractéristiques.

Les fruits contiennent des anthocyanines, environ 1300 mg par 100 g de pulpe sèche. Les principaux hétérosides des anthocyanines présents sont deux différents galactopyranosides de cyanidine : la cyanidine 3- O-(2-O-b-D-xylopyranosyl)-b-D-galactopyranoside (0,15%) et la cyanidine 3-O-b- D-galactopyranoside (0,45%).

L’effet antidiarrhéique de l’écorce a été confirmé par des essais.

Description

  • Arbre dioïque atteignant 15 m de haut ; fût jusqu’à 70 cm de diamètre, plutôt court ; écorce grise, légèrement odorante, lisse ou à écailles minces lorsque âgée, souvent torse en spirale, très fibreuse, tranche rougeâtre avec de fines marques blanches.
  • Feuilles alternes, imparipennées, jusqu’à 25 cm de long à 2–3(–5) paires de folioles ; stipules absentes ; folioles ovales, de 5–13 cm × 2,5–6 cm, à base atténuée à arrondie, à apex plus ou moins pointu, à bord entier quoique souvent légèrement ondulé, à dessus criblé de points de résines glanduleux, surtout chez les jeunes feuilles, pennatinervées.
  • Inflorescence : grappe terminale atteignant 15 cm de long (les mâles étant plus longs), piquetée de points glanduleux.
  • Fleurs unisexuées, régulières, 4-mères, d’environ 4 mm de diamètre, vert-jaune ; fleurs mâles à 8 étamines ; fleurs femelles à ovaire supère 4-loculaire portant 4 styles.
  • Fruit : drupe ellipsoïde, glabre, d’environ 1,5 cm de long, portant jusqu’à 4 petites dents au sommet, violet-noir à maturité, contenant 1 graine.

Autres données botaniques

Lannea comprend environ 40 espèces, dont la plupart sont limitées à l’Afrique, et l’écorce de nombre d’entre elles est ou a été utilisée comme source de teinture rouge-brun. Même si la plupart des espèces peuvent être aisément distinguées d’un point de vue botanique, il n’en reste pas moins que dans plusieurs régions des espèces différentes portent des noms vernaculaires similaires. C’est la raison pour laquelle l’identité exacte de l’espèce employée au cours d’une teinture particulière n’est pas toujours avérée, sauf lorsqu’il s’agit d’observations faites sur le terrain et complétées par l’identification botanique du matériel de teinture récolté. Sans oublier également que parfois on pratique des mélanges d’écorces.

Lannea acida

Lannea acida A.Rich. est utilisé en teinture de la même façon que Lannea microcarpa au Mali où il est désigné sous le même nom vernaculaire de “npeku” en bamanakan. En Côte d’Ivoire, une décoction d’écorce additionnée de cendres de bois donne une teinture rouge. Celle-ci vire au jaune si on ajoute des acides au bain de teinture. Dans cette méthode, il faut utiliser un mordant. Toutefois, Lannea acida est plus important du point de vue médicinal.

Lannea schweinfurthii

L’écorce de Lannea schweinfurthii (Engl.) Engl. est utilisée par les Tsongas de Gazankulu dans le nord-est de l’Afrique du Sud pour teindre la vannerie en violet-brun, mais cette espèce doit son importance à ses fruits comestibles.

Lannea welwitschii

L’écorce de Lannea welwitschii (Hiern) Engl. est utilisée de la même façon que Lannea acida en Côte d’Ivoire et au Ghana pour teindre les pagnes en brun rougeâtre.

Croissance et développement

Les feuilles tombent en début de saison sèche ; la floraison a lieu en fin de saison sèche, avant l’apparition des nouvelles feuilles.

Ecologie

Lannea microcarpa pousse dans les savanes. Il préfère les sols profonds et friables et on le rencontre souvent sur les terres cultivées, où il n’est pas abattu mais au contraire préservé en raison de ses fruits comestibles. Il se rencontre également dans les savanes sahéliennes sur sols rocheux.

Multiplication et plantation

Les espèces de Lannea ne sont pas cultivées pour la teinture. Elles peuvent être multipliées par graines. Une température ambiante de 25–30°C diminue fortement la longévité des graines. A environ 6% de degré d’humidité, les graines ont une espérance de vie plus longue lorsqu’elles sont conservées à des températures basses ; en outre, elles peuvent être stockées longuement dans un congélateur à –18°C.

Traitement après récolte

L’écorce est pilée et bouillie durant 2–3 heures dans l’eau. Vers la fin de cette opération, on rajoute une petite louche de cendres de bois en guise de mordant, ce qui permet d’obtenir un bain plus foncé que l’on maintient à forte ébullition pendant environ une demi-heure. Une fois refroidie, la décoction est filtrée et prête à servir de bain de teinture. Afin d’obtenir une couleur plus solide, les teinturiers de bogolan associent cette teinture à une décoction d’écorce d’Anogeissus leiocarpa (DC.) Guill. & Perr. Le tissu de coton est plongé une fois dans le bain de teinture au Lannea, ensuite 3 fois dans le bain à l’Anogeissus et enfin une dernière fois dans le bain au Lannea. Entre chaque bain, le tissu est mis à sécher au soleil. Ultérieurement, il est teint à la boue ferrugineuse selon la technique de bogolan. C’est une teinture qui n’est pas très solide, sauf sur les motifs noirs.

Ressources génétiques

Lannea microcarpa est répandu et n’est pas menacé d’érosion génétique. Néanmoins, dans le nord du Burkina Faso, il est considéré comme vulnérable.

Perspectives

L’emploi d’écorce de Lannea pour la teinture rouge demeure important et répandu en Afrique de l’Ouest. La teinture étant de plus en plus appréciée dans les formes modernes de la production de bogolan, la culture des principales espèces locales, Lannea microcarpa et Lannea acida, est à recommander, d’autant qu’elles produisent également des jeunes feuilles et des fruits comestibles, et qu’elles sont employées en médecine, notamment pour soigner les maladies de peau.

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Sources de l'illustration

  • Aubréville, A., 1950. Flore forestière soudano-guinéenne. Société d’Editions Géographiques, Maritimes et Coloniales, Paris, France. 533 pp.

Auteur(s)

  • M. Marquet, CIHAM/UMR 5648 /Archéologie et Histoire médiévale, Université Louis Lumière - Lyon II, 18, quai Claude Bernard, F-69365 Lyon Cedex 07, France
  • P.C.M. Jansen, PROTA Network Office Europe, Wageningen University, P.O. Box 341, 6700 AH Wageningen, Netherlands

Citation correcte de cet article

Marquet, M. & Jansen, P.C.M., 2005. Lannea microcarpa Engl. & K.Krause. In: Jansen, P.C.M. & Cardon, D. (Editors). PROTA (Plant Resources of Tropical Africa / Ressources végétales de l’Afrique tropicale), Wageningen, Netherlands. Consulté le 3 octobre 2025.


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