Raiponce (Marco)

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Fichier:RapunzelBriefmarkenDDR.jpg
timbre de RDA, 1978, d'après le conte de Grimm
la raiponce, Campanula rapunculus
La raiponce
conte de Claude Marco


Il était une fois, à l’écart d’un village, un jardinet où poussaient de magnifiques raiponces. Une femme enceinte, en les voyant, fut prise d’une de ces envies, qui dans son état, sont irrésistibles. Elle enjamba le muret, et commença à déterrer les plantes. La coutume voulait qu’une femme enceinte puisse entrer chez n’importe qui et cueillir ce qu’elle voulait. Mais, pas plus que ce que ses deux mains pouvaient contenir.

Lorsque ses deux mains furent pleines, la gourmandise fut la plus forte et notre femme dénoua son foulard et s’employa à le remplir. Elle en nouait avec peine les quatre coins qu’une voix éraillée la glaça de terreur. « Femme, ces raiponces sont à moi. Plus que ton dû, que tu as voulu emporter, en paiement, c’est le fruit de tes entrailles que j’emporterai ». Sans se retourner, la femme s’enfuit abandonnant son foulard et ce qu’il contenait, mais le mal était fait.

Quand la tête de son enfantelet émergea d’entre ses cuisses, une main aussi impitoyable que les serres d’un aigle se posa dessus. Elle eut beau pleurer, supplier, s’arracher les cheveux, rien ne fit fléchir la sorcière. La vieille femme emporta la petite fille qui venait de naître, la nomma Raiponce et l’éleva avec soin.

Quand Raiponce eut douze ans et qu’une première tache de sang colora les draps de son lit, la sorcière l’enferma dans une tour qui n’avait ni escalier, ni porte. Tous les soirs elle lui portait à manger. « Raiponce, Raiponce, dénoue tes cheveux ». La jeune fille dénouait sa longue tresse depuis la fenêtre et la vieille s’y agrippait et grimpait.

Une après midi qu’un des fils du roi se promenait dans la forêt, il entendit les belles chansons que fredonnait Raiponce pour meubler le pauvre temps qui était le sien. Il fut immédiatement amoureux. Il se cacha et vit la vieille s’approcher de la tour et crier: « Raiponce, Raiponce, dénoue tes cheveux ». Une longue tresse se déroula depuis la fenêtre et elle s’y agrippa et grimpa.

Le lendemain matin, le fils du roi revint au pied de la tour et cria : « Raiponce, Raiponce dénoue tes cheveux ». Une longue tresse se déroula depuis la fenêtre et il s’y agrippa et grimpa avec agilité. Lorsqu’il enjamba le rebord de la fenêtre, Raiponce fut très effrayée. C’était le premier homme qu’elle voyait, mais son sourire était si doux, son regard si amoureux, ses paroles si rassurantes qu’elle se laissa embrasser. Le fils du roi revint tous les jours apportant chaque fois des fils de soie qu’elle tressait pour faire l’échelle qui lui permettrait de s’enfuir.

Le dernier nœud de soie n’était pas encore serré que l’horrible femme remarqua que depuis trois lunes, aucune tache de sang n’était venue tacher les draps. Il lui suffit de surprendre le sourire rêveur de Raiponce pour deviner la vérité.

L’horrible vieille décrocha la serpette qui pendait à sa ceinture, coupa la tresse et précipita la jeune fille dans le vide. Un roncier lui sauva la vie, mais lacéra son visage et déchira ses habits. Raiponce n’eut alors pas d’autres ressources que de s’enfoncer dans la forêt.

Le lendemain, le fils du roi tout joyeux cria « Raiponce, Raiponce dénoue tes cheveux ». La tresse se déroula par la fenêtre et il s’y agrippa et grimpa. La vieille harpie se précipita sur lui. « Tu as voulu voler mon bien, pour te punir, c’est la vue que je vais te voler ». Elle le précipita par la fenêtre et les épines du roncier déchirèrent ses yeux. Désespéré il quitta le palais de son père et se mit à errer par les chemins à la recherche de son amour perdu.

De longues années s’étaient écoulées quand il passa par la clairière où Raiponce élevait les jumeaux, un garçon et une fille, qu’elle avait mis au monde toute seule. Immédiatement elle le reconnut et en pleurs le couvrit de baisers. Lorsque toutes les larmes de son corps furent versées, la dernière glissa sur les paupières du jeune homme et lui fit retrouver la vue. Il amena Raiponce au palais de son père. Ils s’y marièrent et vécurent de longues années de bonheur.

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  • Adapté du conte Raiponce, en allemand Rapunzel, recueilli par les frères Grimm et publié dans le premier volume de leur Contes de l'enfance et du foyer (Kinder- und Hausmärchen (1812).
  • Le privilège accordée aux femmes enceintes apparaît dans les statuts municipaux de la ville de Toulon de 1415 (C. Seignolles. op. cit., p. 24).
  • L’allusion directe aux menstruations féminines n’est pas aussi claire dans le texte des frères Grimm qui n’ont pas hésité, lorsqu'ils ont rédigé leurs contes du foyer et de l'enfance, à enlever les passages qu'ils estimaient trop violents ou sexuels pour être lus à des enfants. Et même à mélanger les versions ou à transformer les histoires pour les rendre plus conformes à l'idée qu'ils se faisaient d'un conte traditionnel allemand (voir Nicole Belmont, La manipulation des contes de transmission orale : un effet pervers de leur passage à l’écrit ?).