Tabernaemontana crassa (PROTA)
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Introduction |
Importance générale | ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
Répartition en Afrique | ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
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Médicinal | ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
Bois d'œuvre | ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
Ornemental | ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
Fourrage | ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
Fibre | ![]() ![]() ![]() ![]() ![]() |
Tabernaemontana crassa Benth.
- Protologue: Hook., Niger Fl. : 447 (1849).
- Famille: Apocynaceae
- Nombre de chromosomes: 2n = 22
Synonymes
- Conopharyngia crassa (Benth.) Stapf (1902),
- Conopharyngia durissima (Stapf) Stapf (1902).
Noms vernaculaires
- Adam’s apple flower (En).
Origine et répartition géographique
Tabernaemontana crassa est présent en Afrique tropicale humide, depuis la Sierra Leone jusqu’à la Centrafrique et l’est de la R.D. du Congo et, vers le sud, jusqu’au nord de l’Angola.
Usages
En Afrique de l’Ouest, les feuilles et le latex provenant de la tige et de l’écorce de Tabernaemontana crassa, réduits en pâte, ont plusieurs usages, essentiellement comme anesthésique local, par ex. pour remettre les luxations ou traiter les maux de tête, les blessures, les plaies, les abcès et les furoncles, et pour soigner les infections dermiques telles que la filariose, la teigne et les mycoses. Le latex s’applique aussi comme hémostatique, en formant une pellicule sur la plaie. En usage interne, il se prend comme vermifuge. En Côte d’Ivoire, on l’instille en gouttes (1–2) dans le nez pour soulager les maux de tête, car il agit comme révulsif sur la muqueuse nasale. Le latex est également utilisé comme sédatif pour calmer les bouffées délirantes. La décoction de feuilles se prend comme tonique, pour ouvrir l’appétit et comme aphrodisiaque, tandis que la décoction d’écorce s’administre en lavement pour traiter les problèmes rénaux, les rhumatismes et la constipation persistante. Une décoction de feuilles est utilisée en massage contre le rachitisme chez les enfants et pour combattre la fatigue chez les adultes. Au Cameroun et en Centrafrique, la décoction de feuilles se prend contre la fièvre. En Centrafrique, on dépose dans l’œil une goutte de latex des rameaux ou des racines pour traiter la conjonctivite ou l’ophtalmie, malgré ses propriétés fortement caustiques. La décoction de l’écorce de racine ou de tige s’emploie en gouttes nasales pour traiter les rhumes ou la sinusite, la décoction de feuilles se prend en inhalation. Comme de nombreuses plantes laticifères, le latex a la réputation d’être galactagogue au Congo et en R.D. du Congo. En Côte d’Ivoire et en Centrafrique, le latex entre dans la composition d’un poison de flèches. Une décoction d’écorce se prend au Congo pour traiter l’hématurie et la gonorrhée. En R.D. du Congo, le fruit en décoction ou macéré sert en lavement pour soigner les œdèmes testiculaires. La décoction d’écorce de tige se prend pour traiter la diarrhée.
Au Gabon, on entrelace le chaume des toitures des maisons avec les grandes feuilles, car une croyance veut que leur saveur amère éloigne les blattes. Le bois convient à la menuiserie en général, au contreplaqué et aux coffrages. Il sert parfois à confectionner des mortiers à riz au Liberia. Le latex de l’écorce produit un caoutchouc de qualité inférieure, qui reste poisseux et qui a parfois été utilisé. La plante est considérée comme ornementale, car elle a de belles fleurs et un parfum agréable. Ses feuilles sont consommées par l’escargot géant comestible d’élevage, Achatina achatina.
Production et commerce international
La poudre d’écorce est commercialisée dans les herboristeries du monde entier.
Propriétés
Un nombre considérable d’alcaloïdes indoles ont été identifiés dans l’écorce de la tige et de la racine ainsi que dans les graines de Tabernaemontana crassa. La plupart de ceux qu’on a pu isoler sont des monomères, principalement de la classe des iboganes, et certains sont de la classe des corynanthéanes, des aspidospermatanes ou des pluméranes. La conodurine et la conoduramine, alcaloïdes dimères de la classe des corynanthéanes-iboganes, ont été isolées de l’écorce de racine et de tige, l’écorce de tige quant à elle contenant aussi de la gabunine. Les principaux alcaloïdes monomères de l’écorce de la tige et des racines, de la classe des iboganes, sont la coronaridine et ses dérivés mono- et di-méthoxy, l’isovoacangine et la conopharyngine, ainsi que l’apparicine, de la classe des aspidospermatanes. L’écorce de la tige contient en outre des quantités infimes d’alcaloïdes de la classe des iboganes, dont la crassinine, l’ibogamine et la coronaridine et leurs dérivés, ainsi que des alcaloïdes de la classe des corynanthéanes, dont l’akuammidine, la périvine, la vobasine et leurs dérivés. Les graines également sont riches en alcaloïdes, les principaux étant la coronaridine et la coronaridine-hydroxyindolénine, de la classe des iboganes, et la tabersonine, de la classe des pluméranes.
La plante est très toxique : une seule injection d’extrait brut à l’éthanol de l’écorce de la tige ou de la racine a tué des rats en 30 minutes, provoquant une dilation de la pupille, réduisant l’activité motrice et entraînant un relâchement musculaire. Plusieurs essais de laboratoire sur des cobayes ou des grenouilles ont montré qu’un extrait à l’eau chaude des parties aériennes avait une activité anesthésique locale plus forte que la procaïne, que l’on employait avant tout en chirurgie dentaire jusqu’à ce que des alternatives plus efficaces soient mises au point. L’extrait éthanolique de l’écorce de tige a montré une activité significative contre les bactéries Gram-positives, l’extrait de feuilles montrant quant à lui une activité significative contre les amibes.
Les alcaloïdes présents en quantités importantes ont toutes sortes d’effets pharmacologiques.
La coronaridine et la conopharyngine présentent des effets stimulants sur le système nerveux central. A doses régulières, la conopharyngine possède des propriétés hypotensives, entraîne de la bradycardie et fait chuter la température du corps. A doses élevées, l’ibogaïne, l’ibogamine et la voacangine produisent des convulsions et l’asphyxie. La coronaridine a montré une diurèse et une activité hypoglycémique significative chez les rats. Chez les souris, c’est un agent contraceptif efficace en raison de son activité œstrogène. Elle possède aussi une activité leishmanicide. En outre, l’apparicine, la conopharyngine, la coronaridine et la périvine ont une activité analgésique locale. L’apparacine et la coronaridine (monomères) ainsi que la conodurine et la gabunine (dimères) ont montré une cytotoxicité significative sur des cultures de cellules de la leucémie lymphocytaire P-388. La conoduramine, la conodurine et l’apparicine se sont également avérées avoir une activité antibactérienne moyenne à forte contre plusieurs agents pathogènes chez les humains, l’apparicine quant à elle montrant aussi une forte activité contre le poliovirus de type III (HPV-3).
Le latex est extrêmement caustique : une seule goutte dans l’œil peut entraîner la cécité.
Le bois, blanc jaunâtre et moyennement dur, est facile à travailler et permet des finitions nettes. Il n’est pas résistant à la pourriture fongique.
Falsifications et succédanés
Les alcaloïdes indoles des classes que l’on trouve chez Tabernaemontana sont également présents chez d’autres genres d’Apocynaceae, par ex. Alstonia, Cabucala, Catharanthus, Hunteria, Ochrosia, Picralima, Rauvolfia, Tabernanthe et Voacanga.
Description
Arbuste ou petit arbre atteignant 15 m de haut, glabre, à ramification dichotomique ; tronc atteignant 30 cm de diamètre, parfois à contreforts chez les grands arbres ; écorce d’un gris-brun ou brun pâle à foncé, à grandes lenticelles. Feuilles opposées, simples et entières ; ochréa bien visible, s’élargissant en stipules à l’aisselle des pétioles ; pétiole de 5–25 mm de long ; limbe largement à étroitement elliptique, de 10–46 cm × 3–25 cm, base cunéiforme ou arrondie, apex acuminé à aigu, obtus ou arrondi, coriace, pennatinervé à 7–17 paires de nervures latérales. Inflorescence : corymbe de 10–30 cm de long, par 2 à la fourche des branches, assez lâche ou resserré, à nombreuses fleurs ; pédoncule de 3,5–11,5 cm de long, relativement trapu ; bractées écailleuses à sépaloïdes, laissant une cicatrice visible. Fleurs bisexuées, régulières, 5-mères, à parfum agréable ; pédicelle de 3–20 mm de long ; sépales presque libres, orbiculaires à largement ovales, de 2,5–8 mm de long, charnus, ciliés ; tube de la corolle presque cylindrique, de 3,5–10 cm de long, charnu, vert pâle, tordu à la base, poilu à l’intérieur dès 0–10 mm sous la gorge jusqu’à l’insertion des étamines, gorge jaune pâle, lobes obliquement elliptiques, de 24–55 mm × 6–20 mm, à apex arrondi ou obtus, tordus, ondulés à proximité de l’apex, étalés et se retroussant par la suite, blancs à jaune pâle ; étamines insérées à 8–14 mm de la base de la corolle, incluses, anthères sessiles, étroitement triangulaires, de 9–13 mm de long ; ovaire supère, presque cylindrique à ovoïde, consistant en 2 carpelles, connées à la base, styles fusionnés, de 2–8 mm de long, tête du pistil presque cylindrique, de 3–3,5 mm de long, s’élargissant à l’apex en 5 lobes orbiculaires, surmontés par 2 pics triangulaires, s’élargissant à la base en un anneau. Fruit constitué de 2 follicules séparés, obliquement globuleux, de 5–12 cm de diamètre, vert pâle ou glauques, à 2 valves, contenant plusieurs ou de nombreuses graines. Graines obliquement ellipsoïdes, de 8,5–14 mm de long, marquées d’un maximum de 8 sillons longitudinaux, finement verruqueuses, brun foncé, arille blanche. Plantule à germination épigée.
Autres données botaniques
Le genre Tabernaemontana, qui comprend environ 110 espèces, est pantropical. Environ 18 espèces existent sur le continent africain, et 15 à Madagascar. Il s’apparente étroitement au genre Voacanga. Le long de la côte, le tube de la corolle de Tabernaemontana crassa est plus court, de 35–45 mm de long, tandis que dans d’autres régions il atteint 60–100 mm de long. Tabernaemontana crassa est étroitement lié à Tabernaemontana africana Hook., qui se distingue par ses étamines insérées à 25–45 mm de la base de la corolle, un tube plus large et des follicules jaunes à orange.
Tabernaemontana stenosiphon
Tabernaemontana stenosiphon Stapf est un arbre endémique de São Tomé. Son latex, qui provoque des vomissements, sert aussi de purgatif. La décoction de racine est tonique et fébrifuge. L’arbre a fait l’objet de plantations au Nigeria pour la production de caoutchouc.
Tabernaemontana eglandulosa
La liane Tabernaemontana eglandulosa Stapf se rencontre en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. En Centrafrique, les feuilles ou l’écorce des rameaux se mastiquent et le jus s’avale pour combattre la migraine. En R.D. du Congo, les racines servent à traiter les morsures de serpent. Le jus allongé d’eau sert de collyre pour soigner les maux de tête. La racine écrasée entre dans la composition d’un poison de flèches. Le latex servait autrefois à falsifier le caoutchouc d’Hevea. Toutes les parties de la plante contiennent de la voacangine et de la coronaridine. L’écorce de la tige contient de la conopharyngine et de la 6-hydroxy-3-oxocoronaridine. Les principaux composants des feuilles et des ramilles sont la tacamine, la tacamonine, la 19-hydroxytacamine et la 16-épitacamine (de la classe des tacamanes), ainsi que la voaphylline, la tubotaïwine, l’ibogamine et la norfluorocurarine.
Croissance et développement
Tabernaemontana crassa est une plante qui se développe selon le modèle architectural de croissance de Leeuwenberg, qui se définit par un tronc orthotrope monopodial finissant en une inflorescence terminale. Après la floraison, les 2 bourgeons axillaires supérieurs se transforment en rameaux, de sorte qu’il s’agit d’une croissance sympodiale ; l’infrutescence semble être axillaire. Tabernaemontana crassa fleurit et fructifie toute l’année. Les fruits mettent un an à mûrir.
Ecologie
Tabernaemontana crassa est largement présent dans le sous-étage des forêts claires, dans les clairières ou dans la brousse, également le long des côtes, moins souvent dans les forêts-galeries, du niveau de la mer jusqu’à 2000 m d’altitude.
Multiplication et plantation
Tabernaemontana crassa peut être multiplié par graines et probablement aussi par des boutures semi-mûres.
Récolte
L’écorce de Tabernaemontana crassa s’arrache du tronc. Les feuilles sont récoltées selon les besoins.
Ressources génétiques
Tabernaemontana crassa possède une aire de répartition relativement grande et par conséquent elle ne semble pas menacée d’érosion génétique.
Perspectives
Tabernaemontana crassa contient un grand nombre d’alcaloïdes indoles dotés d’activités pharmacologiques intéressantes. La teneur en alcaloïdes est comparable à celle de Tabernaemontana pachysiphon, autre espèce médicinale importante. Même si plusieurs d’entre eux ont été soumis à des essais pour déterminer leur activité pharmacologique, il faudrait davantage d’analyses pour évaluer leur importance.
Références principales
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- van Beek, T.A., Verpoorte, R., Baerheim Svendsen, A., Leeuwenberg, A.J.M. & Bisset, N.G., 1984. Tabernaemontana L. (Apocynaceae): a review of its taxonomy, phytochemistry, ethnobotany and pharmacology. Journal of Ethnopharmacology 10(1): 1–156.
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Autres références
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- Burkill, H.M., 1985. The useful plants of West Tropical Africa. 2nd Edition. Volume 1, Families A–D. Royal Botanic Gardens, Kew, Richmond, United Kingdom. 960 pp.
- Cooper, G.P. & Record, S.J., 1931. The evergreen forests of Liberia. School of Forestry, Yale University, Bulletin 31, New Haven, United States. 153 pp.
- Din Belle, D., Tolvanen, A. & Lounasmaa, M., 1996. Total synthesis of tacamine-type indole alkaloids of Tabernaemontana eglandulosa. Tetrahedron 52(34): 11361–11378.
- Neuwinger, H.D., 2000. African traditional medicine: a dictionary of plant use and applications. Medpharm Scientific, Stuttgart, Germany. 589 pp.
- Srivastava, S., Singh, M.M. & Kulshreshtha, D.K., 2001. A new alkaloid and other anti-implantation principles from Tabernaemontana heyneana. Planta Medica 67(6): 577–579.
- van Beek, T.A., 1984. Pharmacognostical studies of some Tabernaemontana species. PhD thesis, University of Leiden, Leiden, Netherlands. 163 pp.
- van Beek, T.A. & van Gessel, M.A.J.T., 1988. Alkaloids of Tabernaemontana species. In: Pelletier, S.W. (Editor). Alkaloids: Chemical and biological perspectives. Vol. 6. Wiley, New York, United States. pp. 75–226.
Sources de l'illustration
- Leeuwenberg, A.J.M., 1991. A revision of Tabernaemontana 1. The Old World species. Royal Botanic Gardens, Kew, United Kingdom. 223 pp.
Auteur(s)
- F.S. Mairura, Kenya Tropical Soil Biology and Fertility Institute of CIAT, P.O. Box 30677, Nairobi, Kenya
- G.H. Schmelzer, PROTA Network Office Europe, Wageningen University, P.O. Box 341, 6700 AH Wageningen, Netherlands
Citation correcte de cet article
Mairura, F.S. & Schmelzer, G.H., 2006. Tabernaemontana crassa Benth. In: Schmelzer, G.H. & Gurib-Fakim, A. (Editors). PROTA (Plant Resources of Tropical Africa / Ressources végétales de l’Afrique tropicale), Wageningen, Netherlands. Consulté le 15 octobre 2025.
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