Sokker el-o'char (Ibn al-Baytar)

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Sokker
Ibn al-Bayṭār, Traité des simples
Sekbînedj


1199 - Sokker el-o'char, Sucre d'Asclépiade.


Nom accepté : [[]]

[2-266]

  • Avicenne. C'est ce qui tombe sur l’ouchar sous forme de gouttes salines, douées de douceur avec un peu d'acerbité et d'amertume. Celui de l'Yémen est blanc, et celui du Hedjaz noirâtre. Il est détersif et acerbe. Il fortifie la vue et convient au poumon. On le mélange au suc de mandragore contre l'hydropisie. Il n'excite pas la soif comme les autres sucres, à cause de sa légère douceur. Il convient à l'estomac, au foie, aux veines et à la vessie.
  • Ishak ibn Soleimân. Il a la propriété d'être un excellent collyre contre les taies de l'œil.
  • Le Chérif, Pris pendant plusieurs jours consécutifs, à la dose d'une once dans de l'eau tiède, il est utile contre l'asthme et la dyspnée. C'est un fait d'expérience.

On fait de l’o'char une Asclepias gigantea ou procera et une Calolropis. Toutes les espèces du genre sont lactescentes, d'où leur place parmi les ya'toua'at, ^W^Xa-i, des Arabes Le frère Ange, à la fin de sa Pharmacopée, a parlé de cette matière sucrée qui se développe sur les feuilles de l'arbuste autour d'un insecte, particulièrement dans le pays de Bender-Abassy. On la nomme en persan chakartigal (?). Quant à l’ouchar voyez le n° 1544 où se trouvent de nouveaux détails.

Saumaise a prétendu que le sucre des Grecs et des Romains n'était pas celui des modernes. Il fonde son opinion sur ce que les anciens parlent souvent d'un liquide sucré plutôt que de sucre cristallisé. C'est ainsi qu'il faut entendre ce passage de Lucain :

Quique bibunt tenera dulces ab arundine succos.

Et celui de Vairon :

India non magna nimis arbore crescit arundo.
Illius e lentis premitur radicibus humor
Dulcia cui nequeunt succo contendere mella.

Juba, lui aussi, parle des férules des Iles Fortunées donnant un suc agréable.

A cela nous répondrons qu'il était aussi question d'un sucre cristallisé, et qu'à cette époque on pouvait bien employer le sucre sous les deux formes, avant de connaître la manière de le faire passer tout entier et artificiellement à la forme cristalline. Dioscorides rapporte que le sucre se cassait sous la dent comme du sel. Pline en dit autant. Galien parle du sucre concret. Dans le Traité des médicaments faciles à préparer, il parle du sucre trituré. Disons en passant que les caractères assignés au roseau saccharifère contredisent l'opinion de Saumaise, qui en fait le bambou. Il est probable que le sucre concret, obtenu par le fait d'une cristallisation à laquelle les procédés de l'art étaient étrangers, fut le seul, ou du moins le principal objet d'exportation, ce qui expliquerait sa rareté. L'opinion des Arabes doit aussi être prise en considération. Or, ils ont admis le sucre des anciens comme identique avec celui qu'ils connaissaient. La traduction arabe de Dioscorides fut exécutée au milieu du IXè siècle de l'ère chrétienne. Or, dans cette traduction, faite par Etienne et revue par Honeïn ibn Ishak, on voit que les Arabes ne possédaient pas tous les équivalents techniques des mots grecs. Dans leur impuissance, ils transcrivaient simplement le mot grec en caractères arabes. Quand ils avaient un équivalent, ils le donnaient après la transcription. Nous lisons à propos du sucre : *5T«JI j&j jjjU&»mj 5 sakkharoun, et c'est le sucre. » Le Traité de la Pierre, faussement attribué à Galien par les Arabes, parle du sirop de sucre. Cela prouve au moins que les Arabes ont reconnu leur sucre dans celui des anciens. Ainsi que l'a constaté Saumaise, quand les Arabes parlent du tabachîr, produit du bambou, ils ne lui donnent jamais le nom de sucre. Le nom de sucre de bambou ne se trouve que chez Garcias ab Horto. Bien souvent les Arabes donnent des formules où il entre du tabachîr et du sucre concurremment. On trouve un certain nombre de ces formules dans la Pharmacopée persane du frère Ange. Donc les Arabes distinguaient formellement le sucre du tabachîr. Le tabachîr n'était connu que de nom par Saumaise. Depuis quelque temps, on le connaît parfaitement tant par les travaux modernes des médecins et des voyageurs dans l'Inde que par les Expositions. Il y en avait plusieurs échantillons à l'Exposition universelle de 1867, sous forme de petites masses pareilles à des fragments d'amidon, mais accusant une dureté considérable, car ce sont des concrétions siliceuses qui se forment dans les entre-nœuds du bambou. C'est donc là une substance qui n'a de commun que la couleur avec le sucre, de même que la craie blanche à laquelle on donne aussi le nom de tabachîr. Nous reviendrons sur ce sujet au n° 1447. Saumaise met aussi en avant les propriétés; mais il est reconnu que la cassonade et le sucre sont laxatifs, et les Arabes les recommandent ainsi formellement. Nous avons cru devoir nous étendre un peu sur cette question, à cause de l'autorité du grand nom de Saumaise, dont Sprengel a partagé l'opinion, tant dans son Histoire de la Botanique que dans son Histoire de la médecine. L'apparition du sucre dans l'Asie centrale se fit à une époque incertaine. Sans nous occuper des mentions faites par Sprengel, nous observerons qu'il eût dû, sur cette question, citer les médecins, dont le premier en date est Razès. Pour bien des questions historiques, Ibn el-Beîthâr offre un précieux répertoire de documents, vu les nombreux auteurs qui figurent dans son encyclopédie. Après Razès, nous citerons encore Mesué et Avicenne. Les sirops d'Avicenne sont généralement faits avec du sucre. Ses électuaires le sont avec du sucre ou du miel épuré. Dans son Traité du sirop de vinaigre, Avicenne donne la préférence au sucre sur le miel. Mesué fait du sucre un usage encore plus étendu. Il a des préparations où il n'entre que du sucre et un médicament simple, ce qui équivaut à nos fruits confits. On vantait en Orient le sucre du Sedjestân, de Soleïmania et d'Egypte. Edrissy, qui parle de ce dernier, nous apprend aussi que le sucre de Sous, dans l'extrême occident (le Maroc), ne le cédait à aucun autre; or, Edrissy vivait au XIIè siècle de notre ère. La Sicile et l'Espagne connurent aussi la canne à sucre, et Ibn el-Awwâm expose les règles de sa culture. Kazouini donnait comme le meilleur sucre celui de l'Egypte.

Il nous reste à parler des diverses expressions arabes qui ont trait au sucre. Les Arabes employaient parfois le sucre extrait de la canne, auquel ils donnaient le nom de miel de canne, t^v^aAlî J-m&, ainsi que nous le verrons au n° 1800. Le sucre de Soleïmania était assez renommé pour que son nom jUvXw jXm, soit resté comme exprimant un sucre de qualité supérieure. Le taberzed était un sucre bien cristallisé, qui ne se rompait qu'avec un instrument, ainsi que nous le verrons au n° 1449. Le cheikh Dawoud, qui donne des détails assez curieux sur la préparation du sucre et ses diverses formes, nous paraît avoir fait une confusion. Pour lui le taberzed serait un sucre de troisième cuite auquel on ajouterait du petit-lait, et le fanid serait un sucre de troisième cuite. Or, le fanid répond à nos pénides et ne présente autre chose qu'un certain degré de raffinage. La préparation du fanid est longuement décrite par Abulcasis dans son livre connu sous le nom de Liber servitoris. On ajoute au sucre de l'eau, du miel et de l'huile d'amandes douces; on fait cuire et, une fois la masse devenue visqueuse, on l'enlève et on l'étiré, comme on fait encore de nos jours. Dawoud parle d'une autre préparation de sucre qu'il appelle, d'accord avec les dictionnaires, obloudj, gj.^!, nom qui signifie, d'après Meninsky, du sucre candi, mais qui peut avoir aussi le sens de « sucre en pain ». Ce mot a été malheureusement altéré par M. Perron, dans son Naçery, sous la forme aylazadj. Nous relevons cette confusion à cause de l'autorité que pourrait lui prêter le nom de M. Perron.